Quoi de plus opportun après la crise des gilets jaunes, que la flambée des prix énergétiques pour remettre le sujet du “pouvoir d’achat” sur la table ?
Le gouvernement n’a pas manqué l’opportunité du sombre contexte économique actuel pour ressortir son historique “travailler plus pour gagner plus”, et inciter ainsi les salariés à travailler davantage ; voire même à renoncer à leurs jours de repos pour mieux arrondir leurs fins de mois.
Défiscalisation des heures supplémentaires, paiement des RTT… nous détaillons le nouveau dispositif gouvernemental et ses limites pour relancer le pouvoir d’achat dès cette année.
Encourager les salariés à augmenter leur temps de travail
Dans le contexte inflationniste actuel, 75% des Français déclarent être prêts à travailler plus pour gagner plus selon une étude Andjaro et Odoxe*. De quoi raviver quelques souvenirs de la campagne présidentielle de 2007, lorsque Nicolas Sarkozy qui se saisissait de ce slogan afin de remettre en cause les 35 heures hebdomadaires de travail légales.
*Étude d’octobre 2022 auprès d’un panel de 1004 Français dont la moitié en activité.
Favorisation du travail supplémentaire par la réhausse du plafond d’exonération fiscal
La loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 relève le plafond annuel de défiscalisation de 50% pour les salariés accomplissant des heures supplémentaires, passant ainsi de 5000€ à 7500€. La mesure s’applique sur les heures effectuées depuis le 1er janvier 2022 et est pérennisée.
Renoncement et rachat possible des RTT
Selon l’article L 3121-59, “le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire”. C’est-à-dire qu’une entreprise a la possibilité de racheter aux salariés en forfait-jour leurs journées de RTT jusqu’en 2025. Pour cela, l’accord entre le salarié et l’employeur doit être établi par écrit.
On parle alors ici de journées ou demi-journées de RTT acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. À noter que ce dispositif de réduction du temps de travail (RTT) est accordé aux salariés dont la durée de travail est supérieure aux 35 heures légales par semaine, et concerne donc principalement les salariés disposant d’autonomie dans leur travail, ou les cadres au forfait en jours sur l’année.
Extension de la prime de “partage de la valeur”
Les mesures en faveur du “pouvoir d’achat” prévoient aussi une extension du dispositif “partage de la valeur”, qui permet à l’employeur de verser une prime au salarié. Celle-ci est facultative, potentiellement exonérée fiscalement et dépend du bon vouloir de l’employeur ou d’un accord d’entreprise.
Une aubaine pour les employeurs (et pour Nicolas Sarkozy)
Disposer des compétences de leurs salariés, s’affranchir de la limite légale des 35 heures hebdomadaires mise en place par le gouvernement socialiste dans les années 2000, voilà de quoi réjouir les entreprises dont l’activité croît !
Contourner la durée légale de travail de 35 heures
La loi Aubry 1 de 1998 qui fixe la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires subit une nouvelle tentative de contournement. Nicolas Sarkozy via le programme économique de l’UMP avait déjà pour objectif de permettre aux employeurs de “libérer” le travail des salariés sous couvert de l’augmentation de leur pouvoir d’achat.
Des salariés dépendants de leurs employeurs
La logique “plus d’heures réalisées, plus d’heures payées” est bonne sur le papier, malheureusement c’est l’employeur qui décide qui les fait et quand. Les employés n’ont alors qu’à s’en remettre à la volonté de leur employeur concernant la durée de leur travail, leur rémunération et la réalisation ou non de ces heures supplémentaires.
Les faire “travailler plus” plutôt que d’embaucher
Pourquoi embaucher quand on peut simplement demander de faire des heures supplémentaires à ses employés ?
Pas de coût d’embauche, d’effort de formation, moins de charges sociales et patronales qui pourtant servent à financer les dispositifs de solidarité (notamment les caisses de sécurité sociale) aujourd’hui déficitaires.
Le choix est tentant pour les entreprises, au détriment de millions de salariés à temps partiel qui ne demandent qu’à travailler à temps plein, et de personnes sans emploi ne désirant que travailler. “Travailler plus” participe ainsi à l’aggravation du chômage.
À noter que selon l’article L 3121-60 du Code du travail, la charge de travail d’un salarié doit être compatible avec son temps de travail et que l’employeur doit s’assurer régulièrement qu’elle est raisonnable.

