Rendu nécessaire (voire parfois obligatoire) lors des différents confinements liés à la crise sanitaire de la Covid-19, le télétravail s’est aujourd’hui largement invité et développé dans le quotidien des salariés. Une tendance qui devrait se prolonger dans les mois à venir. A l’occasion d’une conférence de presse en janvier dernier, le premier Ministre annonçait en effet le retour obligatoire du télétravail au moins trois jours par semaine jusqu’au mercredi 2 février 2022.
Depuis le 2 février 2022, le recours au télétravail est recommandé par le protocole sanitaire national applicable aux entreprises pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
Si une majorité des salariés semble se satisfaire de la généralisation de ce nouveau mode de travail, une part non négligeable d’entre eux éprouvent toutefois des difficultés à l’appliquer de manière régulière… Isolement, difficultés à travailler dans de bonnes conditions matérielles et manque de séparation entre vie privée et vie professionnelle sont autant de raisons qui poussent certains travailleurs à vouloir retourner le plus rapidement possible sur site. Mais un salarié peut-il refuser le télétravail quand son employeur le lui propose ?
Le télétravail, un dispositif encadré qui peut être refusé
Comment est négocié le télétravail ?
Souvent considéré comme un avantage offert aux salariés, le télétravail peut faire l’objet d’un accord collectif ou d’une charte élaborée par l’employeur, après avis du Comité Social et Économique. Le document écrit actant sa mise en place au sein de l’entreprise doit alors faire état des agencements suivants :
- Les conditions de passage en télétravail, à savoir les salariés éligibles au télétravail, les formalités à accomplir, les conditions d’exécution du télétravail (nombre de jours télétravaillés, lieu du travail à distance, etc.) ;
- Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
- Les modalités d’acceptation par le salarié de la mise en œuvre du télétravail (initiative de la demande, formalisation de la demande au manager, délai d’acceptation de la demande, motivation du refus du manager, etc.) ;
- Les modalités de contrôle du temps de travail et de la régulation de la charge de travail ;
- La détermination de plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail ;
- Les modalités d’accès des travailleurs en situation de handicap au télétravail.
Outre ces mentions obligatoires, l’accord ou la charte peuvent également contenir des clauses relatives à l’organisation du télétravail, comme la prise en charge des frais de télétravail par l’employeur ou la fourniture d’équipements permettant de travailler à domicile ; proposer un guide d’usages pour les salariés ; définir des indicateurs de suivi et d’impact du télétravail sur l’activité de l’entreprise et la santé des salariés…
Si la mise en place et les conditions de télétravail n’ont pas été négociées au niveau de l’entreprise, elles peuvent faire l’objet d’un accord entre l’employeur et le salarié. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le renforcement du dialogue social, il n’est plus nécessaire de modifier le contrat de travail pour permettre à un salarié de télétravailler. La personne qui souhaite en bénéficier doit adresser une demande écrite ou orale à son responsable. L’employeur peut également proposer à un salarié qui travaille au sein de son entreprise de passer partiellement ou entièrement en télétravail.
Les jours par semaine télétravaillés et l’éventuelle alternance entre présence au bureau et télétravail sont alors négociés au cours d’un dialogue entre le salarié et l’employé. Le télétravail ne requiert pas de formalité particulière et peut-être mis en place sans délai quand le salarié et l’employeur se sont mis d’accord.
Peut-on refuser le télétravail ?
Hors période d’épidémie, un employeur ne peut contraindre un salarié à exercer son activité en télétravail. L’article L 1222-9 du Code du travail précise en effet qu’un salarié est libre de refuser la proposition de télétravail formulée par son employeur, sans que ce refus ne puisse constituer un motif de licenciement.
De la même manière, un employeur peut refuser la demande de télétravail de son salarié. A noter toutefois que l’employeur qui refuse le bénéfice du télétravail à un salarié dont le poste est éligible à cette organisation en vertu d’un accord collectif ou de la chartre en vigueur dans l’entreprise doit motiver son refus de façon légitime en l’appuyant sur des critères et des raisons objectifs (en faisant valoir, par exemple, que les tâches réalisées par le salarié demandeur ne sont pas compatibles avec l’exercice du travail à distance).
Dans quelles conditions doit s’exercer le télétravail ?
Les salariés exerçant en télétravail, à titre occasionnel ou permanent, bénéficient des mêmes droits individuels et collectifs que les autres salariés qui, dans une situation comparable, travaillent dans les locaux de l’entreprise. Ainsi, les télétravailleurs :
- Sont soumis à l’application des mêmes accords et conventions collectifs (sauf si ces textes prévoient que ce n’est pas le cas) ;
- Bénéficient de la même couverture de Sécurité sociale, maladie et accident du travail ;
- Relèvent des mêmes dispositions légales en matière de minima sociaux, rémunération des heures supplémentaires, jours fériés et jours de congé, etc. ;
- Disposent des mêmes droits en matière de formation ;
- Peuvent prétendre aux mêmes avantages sociaux (eu égard, par exemple, au Comité d’Entreprise).
Ils sont, dans ce cadre, également soumis aux mêmes obligations que tout autre salarié, et peuvent par conséquent s’exposer dans les mêmes conditions aux sanctions disciplinaires s’ils ne respectent pas les obligations découlant de leur contrat de travail.
Comme en présentiel, le salarié en télétravail est ainsi tenu de respecter des horaires de travail au cours desquels il doit être opérationnel et disponible. En pratique, cette obligation constitue souvent une protection pour le salarié puisque les horaires lui assurent des temps de pause et de déjeuner ainsi qu’un droit à la déconnexion. En dehors des plages horaires pendant lesquelles il travaille, le salarié n’a pas en effet à être à la disposition de son employeur.
Il est également important de savoir que le télétravail peut aussi bien être réalisé à domicile qu’en dehors du domicile, dans un espace de coworking par exemple.
Par ailleurs, l’employeur ne peut pas contraindre le salarié à utiliser son ordinateur personnel et doit lui en fournir un si le salarié n’en a pas ou ne souhaite pas utiliser son ordinateur personnel dans le cadre de son activité professionnelle.
Cas particulier du refus du télétravail dans un contexte de crise sanitaire
Si le télétravail nécessite en temps normal l’accord des deux parties, des circonstances exceptionnelles peuvent le rendre obligatoire. L’article L 1222-11 du Code du travail prévoit en effet qu’en cas de menace d’épidémie ou de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Ces dispositions servent de fondement au recours généralisé au télétravail dans sa forme actuelle, l’employeur pouvant en outre s’appuyer sur les directives gouvernementales et le protocole sanitaire, qui l’incitent à favoriser ce mode d’organisation du travail plusieurs jours par semaine pour les salariés dont l’emploi s’y prête.
Dans ce contexte, le refus par le salarié d’exercer son activité en télétravail parait l’exposer à une sanction de l’employeur, même si l’article L 1222-9 du Code du travail le protège en principe d’un licenciement.
Reste que si le salarié ne dispose pas d’une place suffisante dans son logement pour travailler dans des conditions convenables, rien ne semble s’oppose à ce qu’il puisse demander à son employeur de mettre à sa disposition un local professionnel adapté à son activité.