Un salarié peut voir figurer dans son contrat de travail une clause de non-concurrence qui l’informe de son obligation à respecter certaines règles après son départ de l’entreprise, en échange d’une contrepartie financière.
Cette obligation de non-concurrence, puisqu’elle limite la liberté du salarié, est soumise à des règles de validité strictes. Par ailleurs, la violation d’une clause de non-concurrence entraîne pour le salarié comme pour l’employeur un préjudice qui, bien souvent, sera indemnisé.
En quoi consiste une clause de non-concurrence ?
La clause de non-concurrence est une clause insérée dans le contrat de travail (ou dans la convention collective applicable). Elle vise à limiter la liberté d’un salarié d’exercer, après la rupture de son contrat, des fonctions équivalentes chez un concurrent ou à son propre compte.
Pour être valable, cette clause doit respecter certains critères cumulatifs définis par la jurisprudence. A défaut, elle sera réputée non écrite et ne produira aucun effet. Tel sera le cas, par exemple, si :
- Elle ne se révèle pas être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
- Elle empêche le salarié de retrouver un emploi ou d’exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle. En cela, une clause de non-concurrence :
- Doit être limitée dans le temps (sa durée ne doit pas être excessive) et dans l’espace (une zone géographique doit être prévue) ;
- Doit viser une activité spécifique (elle doit être adaptée au profil du salarié et tenir compte des spécificités de son emploi) ;
- Doit prévoir une contrepartie financière pour le salarié (indemnité de non-concurrence suffisante pour compenser les obligations qui lui sont imposées).
Une clause de non-concurrence ne peut pas être implicite : elle est toujours écrite. Attention tout de même, elle n’est pas forcément intitulée « clause de non-concurrence ». Selon les juges, sa nature résulte uniquement de son contenu.
Exemples de clauses de non-concurrence
A titre d’exemple, les juges ont considéré comme valable la clause de non-concurrence interdisant, pendant deux ans et dans un seul département, au responsable d’une agence bancaire de travailler dans un organisme de crédit, de collecte de produits d’épargne et de vente d’assurances ou de voyages, susceptible de concurrencer son ancien employeur.
Il en a été de même pour la clause de non-concurrence interdisant à une infirmière, pendant une durée de cinq ans, de s’installer à son compte dans la zone géographique de son ancien employeur et dans un rayon de 10 kilomètres au-delà de cette zone.
A l’inverse n’est pas justifiée l’obligation de non-concurrence imposée à un télévendeur qui ne possède aucune qualification ni formation particulière, à un magasinier qui n’est pas en contact avec la clientèle ou, en raison de la nature de ses fonctions, à un laveur de vitres.
Dans un arrêt du 3 juillet 2019 (P.18-16134), la Cour de cassation a jugé qu’une clause dont le champ d’application s’étend dans toute l’Europe et l’Asie Pacifique n’était pas nécessairement nulle car les juges doivent vérifier, dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité si le salarié se trouve dans l’impossibilité d’exercer une activité conforme à sa formation ses connaissances et son expérience professionnelle.
Comment s’applique une clause de non-concurrence ?
La clause de non-concurrence concerne l’après rupture du contrat de travail.
Que le salarié démissionne, soit licencié ou que son départ fasse l’objet d’une rupture conventionnelle, la clause de licenciement ne s’applique qu’à l’issue du contrat de travail, c’est-à-dire soit à la fin de la période de préavis, soit au moment du départ effectif du salarié, si celui-ci est dispensé de préavis.
Puisque le salarié s’engage à ne pas faire concurrence à son ancien employeur, ce dernier est tenu de lui verser une indemnité compensatrice, quelle que soient les conditions dans lesquelles se finit la collaboration (démission, licenciement, etc.).
La clause qui ne prévoit le paiement de la contrepartie financière qu’en cas de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur (Cass. soc. 31 mai 2006 P.04-44.598) ou du salarié (Cass. soc. 27 fév 2007 P. 05-44.984) est nulle.
La minoration du montant de l’indemnité selon le caractère de gravité de la faute ne rend pas nulle la clause de non concurrence, mais ce mécanisme est inopposable au salarié (Cass. soc. 8 avril 2010, P. 08-43.056).
Cette contrepartie financière, qui doit être raisonnable, peut être versée sous la forme d’un capital ou d’une prime versée en une ou plusieurs fois après la rupture du contrat de travail.
En revanche, le versement de la contrepartie financière ne peut intervenir avant la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 22 juin 2011 P. 0971.567)
Renonciation de l’employeur à la clause de non-concurrence
L’employeur conserve la possibilité de renoncer à l’application d’une clause de non-concurrence (pour échapper, par exemple, au versement de la contrepartie financière qui en découle et qui lui paraît excessive).
Cette renonciation ne peut toutefois se faire que dans les conditions prévues par le contrat de travail ou la convention collective (ou, si rien n’est prévu, qu’avec l’accord du salarié). Elle doit être notifiée de manière claire et non équivoque au salarié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Elle doit intervenir en cours d’exécution du contrat de travail ou pendant un délai raisonnable fixé dans la clause. En l’absence de délai prévu, la levée de la clause de non-concurrence doit être faite au moment de la rupture du contrat de travail, jamais a posteriori.
Quelles sont les sanctions encourues en cas de non-respect de la clause de non-concurrence ?
Non-respect des critères de validité
Si les critères de validité ne sont pas remplis, la clause de non-concurrence est nulle.
Le salarié, qui subit un préjudice en respectant une clause de non-concurrence illicite, peut être indemnisé. En revanche, on ne peut pas le sanctionner pour ne pas l’avoir respectée.
Dans cette situation, le salarié peut donc valablement :
- Ne pas respecter la clause de non-concurrence ;
- Réclamer, en saisissant le Conseil de Prud’hommes, des dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
- Réclamer, également en justice le paiement de la clause de non-concurrence tout le temps qu’elle a été respectée.
A noter que seul le salarié peut se prévaloir de cette nullité. L’employeur reste en effet tenu de verser l’indemnité compensatrice pour la période durant laquelle le salarié a respecté la clause.
Non-respect par l’employeur de l’obligation de paiement de la contrepartie financière
Si l’employeur ne verse pas l’indemnité compensatrice due au salarié, ce dernier n’est plus tenu de respecter la clause de non-concurrence (il est libéré de son obligation).
Parallèlement, le juge peut condamner l’employeur au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le salarié.
A noter que l’employeur reste tenu de verser l’indemnité compensatrice pour la période durant laquelle le salarié a respecté les dispositions prévues par la clause de non-concurrence.
Non-respect par le salarié de son obligation de non-concurrence
La violation de la clause de non-concurrence par le salarié dispense l’employeur du paiement de la contrepartie financière.
En pratique, l’employeur qui estime que son ancien salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence à laquelle il est tenu doit commencer par le mettre en demeure de s’exécuter.
Il ne manquera, par la suite, de saisir le Conseil de Prud’hommes afin de faire valoir le préjudice qu’il a subi. Il devra toutefois rapporter la preuve du non-respect de la clause, en produisant par exemple des témoignages (d’anciens collègues, de clients, etc.), un constat d’huissier ou encore le rapport d’enquête circonstanciée d’un détective privé.
Cette preuve suppose que l’ancien employeur établisse qu’il exerce effectivement la même activité que le nouvel employeur du salarié ou encore, si le salarié qui a créé une société dont il est le gérant, que cette société exerce une activité concurrente à la sienne.
S’il parvient à ses fins, l’ancien employeur du salarié pourra alors prétendre :
- Au remboursement de la contrepartie pécuniaire indûment perçue par le salarié depuis la date de son manquement ;
- A l’exécution forcée de l’interdiction faite au salarié de poursuivre l’activité prohibée ;
- A la condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts si un préjudice est bien établi ;
- A la condamnation du nouvel employeur qui, en connaissance de cause, a recruté un salarié tenu par une clause de non-concurrence sur le fondement de la complicité de la violation d’une obligation contractuelle ;
- Le cas échéant, à la condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et ce même en cas de nullité de la clause de non-concurrence pour défaut de contrepartie pécuniaire.