Le harcèlement sexuel est un délit passible de sanctions pénales dont les femmes sont souvent les victimes – bien que chacun puisse être concerné, que ce soit en tant que victime, témoin ou employeur ayant un devoir de protection de ses salariés. À la lumière du mouvement #MeToo, les pouvoirs publics ont dû agir, préciser la loi à ce sujet et durcir les sanctions.
Qu’est-ce que le harcèlement sexuel ?
De manière générale
Le harcèlement sexuel est défini par l’article 222-33 du Code pénal : il s’agit de l’acte d’imposer à une personne, de façon répétée des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui :
- portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
- ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
La loi caractérise aussi l’infraction lorsque les propos ou comportements que subit la victime sont perpétrés par plusieurs personnes même si elles n’ont pas agit de façon répétée, ni de manière concertée.
Enfin, à partir du moment où des agissements hostiles et à connotation sexuelle sont commis par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent qu’ils sont répétitifs, alors la loi considère qu’il y a harcèlement sexuel.
Aussi : toute forme de pression grave, même non répétée, dans le but d’obtenir un acte sexuel est assimilé au harcèlement sexuel. Que celle-ci soit au profit de l’auteur des faits ou au profit d’une autre personne.
Le harcèlement sexuel peut être :
- Non verbal : messages, regards, bruitages, imposition de contenu pornographique ;
- Verbal : blagues sexistes, remarques sur le physique, questions intrusives, menaces, propositions déplacées, sollicitation de faveurs sexuelles ;
- Physique : frôlements, attouchements, gestes à caractère sexuel.
Attention, tout contact physique non consentit constitue une agression sexuelle qui elle est une infraction, et qui est plus lourdement sanctionnée.
Au travail
Le harcèlement sexuel habite tous les secteurs ; partout où l’agresseur peut et désire intimider sa victime, la dominer ou obtenir un acte sexuel. Ainsi au travail, à l’école ou dans l’espace public la législation en termes de harcèlement sexuel est sensiblement la même. Elle a pour moteur la préservation de la dignité, le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’intégrité comme droit fondamental.
C’est pourquoi la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 unifie la définition du harcèlement sexuel qu’on peut lire dans le Code du travail (article L1153-1) avec celle du Code pénal. Elle rappelle que tout comportement à connotation sexuelle, propos ou agissements sexistes imposés à une personne avec répétition sont constitutifs du délit. Elle précise également :
- qu’il peut y avoir harcèlement sexuel même s’il n’y a pas de relation hiérarchique entre l’agresseur et la victime ;
- que la finalité peut être réelle ou apparente : cela permet de sanctionner les personnes qui agissent sans avoir vraiment l’intention d’obtenir un acte sexuel mais qui en donnent l’impression, par jeu ou dans le seul but d’humilier la victime, ou encore pour obtenir sa démission par exemple.
Un arrêt de la Cour de cassation rendue le 15 février 2023 (n°21-23.919) est venu préciser que même le consentement du salarié aux rapports intimes et sexuels avec son supérieur hiérarchique ne permet pas d’exclure la qualification de harcèlement sexuel, dès lors que son auteur a usé de sa position en vue d’obtenir ces faveurs sexuelles.
Que faire en tant que victime de harcèlement sexuel au travail ?
Réagir dans l’urgence : qui contacter ?
En cas d’urgence nécessitant l’intervention des forces de l’ordre uniquement :
- Le 17 (police ou gendarmerie en France), le 112 (depuis l’étranger) ;
- Le 114 par sms si vous ne pouvez pas parler ;
D’autres numéros de téléphone officiels sont à disposition :
- Le 08 842 846 37 (gratuit, ouvert 7j/7 de 9h à 21h) ouvert à toute victime de harcèlement sexuel ou autres violences;
- Le 3919 (gratuit et anonyme, 7j/7 24h/24) destiné aux femmes victimes de violences. Le numéro n’apparaît pas sur les factures téléphoniques.
S’entourer des organisations et dispositifs en place pour les travailleurs
En tant que victime de harcèlement sur votre lieu de travail, vous pouvez :
- prévenir votre employeur (s’il n’est pas lui même l’auteur des faits) ;
- demander l’aide du comité social et économique (CSE) de votre entreprise ;
- alerter la médecine du travail ou l’inspection du travail.
Les représentants syndicaux peuvent porter plainte en votre nom si vous ne vous sentez pas de le faire vous-même.
Pour rappel, vous ne pouvez pas être sanctionné pour avoir dénoncé des faits réels que vous soyez victime ou témoin.
Les obligations de l’employeur
Tout employeur doit assurer un environnement de travail serein et sécurisant à ses employés. Aucune discrimination ne peut être tolérée sur le lieu de travail et toute forme de harcèlement en fait partie.
Sa responsabilité est de sensibiliser et de former ses salariés en matière de harcèlement sexuel et de sexisme sur le lieu de travail. Pour cela, il est supposé :
-
- mettre en place des actions de prévention ;
- inscrire les textes qui répriment le harcèlement sexuel dans le règlement intérieur ;
- financer la formation des représentants des travailleurs qui doivent suivre au minimum 5 jours de formation en matière de santé, sécurité et conditions de travail ;
- suivre la santé des salariés via la médecine du travail ;
- désigner dans certains cas un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
En cas de faits de harcèlement sexuel dans son entreprise, il s’engage à tout mettre en oeuvre pour y mettre un terme et le sanctionner.
Selon un arrêt de la Cour de cassation, la responsabilité de l’employeur peut être écartée en matière de harcèlement moral s’il justifie avoir pris les mesures immédiates et préalables pour mettre fin à ces agissements.
Le code du travail protège le salarié, victime ou témoin, qui dénonce des faits de harcèlement moral ou sexuel. Celui-ci ne peut être ni sanctionné, ni licencié, ni discriminé par l’employeur ( art L 1152-2 et L 1153-3 du code du travail). Le salarié bénéficie ainsi d’une immunité disciplinaire sauf en cas de mauvaise foi.
Dans ce cas, l’employeur peut licencier le salarié qui a dénoncé de mauvaise foi les faits qu’il sait mensongers. Attention toutefois si l’employeur n’est pas en mesure de prouver la mauvaise foi du salarié le licenciement sera jugé nul (Cass. Soc. 10 juin 2015, P. 13-25554).
La Cour de cassation a déjà confirmé une sanction pour dénonciation mensongère dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser du cadre responsable de son département (Cass. Soc. 6 juin 2012, P. 10-28345).
Les recours juridiques
Poursuivre l’auteur des faits au pénal
Que votre agresseur soit un collègue, un groupe de personnes ou votre employeur, vous pouvez porter plainte dans n’importe quel commissariat ou gendarmerie dans l’espoir de faire condamner votre agresseur par la justice pénale. Cela est valable dans le cas de harcèlement sexuel au travail, mais la procédure est la même pour les faits en dehors.
Parfois ces plaintes sont classées sans suite, c’est pourquoi il sera nécessaire de présenter un maximum de preuves, de témoignages et de se faire accompagner par un avocat. Dans certaines affaires, la plainte d’autres victimes d’un même agresseur est décisive dans le processus de déclenchement de poursuites pénales. Chaque victime de harcèlement sexuel dispose de 6 ans après le dernier fait de harcèlement pour porter plainte.
Porter plainte contre l’employeur
L’employeur a un devoir de prévention et d’action en matière de harcèlement sexuel au travail. Il peut être jugé pour avoir manqué à ses obligations légales ou ne pas vous avoir suffisamment protégé. Pour obtenir une indemnisation vous devez saisir le Conseil de prud’hommes. Cette procédure peut-être engagée en parallèle du dépôt de plainte contre l’agresseur.
Que faire si la plainte est classée sans suite ?
Si votre plainte est classée sans suite mais que vous souhaitez poursuivre la procédure, nous vous encourageons à déposer une plainte avec constitution de partie civile et solliciter l’assistance d’un avocat.
Les sanctions pénales encourues
Le harcèlement sexuel est un délit pénal. 2 ans de prison et 30 000€ d’amende, c’est la peine encourue pour un harceleur sexuel. Celle-ci est majorée à 3 ans et 45 000€ d’amende si l’auteur des faits a profité de sa supériorité hiérarchique pour commettre les faits ou pour toute autre circonstance aggravante telle que :
- la vulnérabilité connue de la victime (maladie, infirmité, déficience physique ou psychique, grossesse, précarité) ;
- un cas de harcèlement de groupe, présence de complices ;
- l’utilisation des réseaux ou d’internet pour nuire ;
Le ou les auteurs des faits pourront être condamnés au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice et des sanctions disciplinaires seront susceptibles d’être prises à leur encontre par l’employeur. Cela peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave.