Heures supplémentaires non déclarées : travail dissimulé ?

Il arrive que des employeurs souhaitant s’affranchir de certaines formalités administratives négligent la bonne déclaration des heures de travail réalisées par leurs employés, voire ne les déclarent pas du tout. Ce fait est constitutif de travail dissimulé et peut entraîner des sanctions pénales si la preuve du caractère intentionnel est apportée aux juges. 

Si vous réalisez des heures supplémentaires et que celles-ci ne sont pas prises en compte sur votre bulletin de paie, vous êtes dans votre droit d’exiger leur indemnisation et même aller plus loin en demandant la condamnation de votre employeur pour travail dissimulé via le conseil de prud’hommes. 

Définition du travail dissimulé selon le Code du travail

Le délit de travail dissimulé est défini par l’article L 8221-5 du Code du travail. Il s’applique dès lors qu’un employeur ne déclare pas correctement et intentionnellement le travail de ses salariés. Par exemple s’il : 

  • se soustrait volontairement à la déclaration préalable à l’embauche ; 
  • ne délivre pas de bulletin de paie ou y mentionne un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli par le salarié ; 
  • ne déclare pas  les salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement ou de l’administration fiscale.

Alternatives légales au paiement des heures supplémentaires

La réalisation d’heures supplémentaires non payées est autorisée lorsque celle-ci est anticipée et encadrée. Voici d’autres façons de rééquilibrer cette situation : 

  • en prévoyant un repos compensateur (selon la convention collective à laquelle l’entreprise est rattachée) ; 
  • en convenant d’un forfait : par exemple pour les salariés qui sont régulièrement amenés à travailler plus de 35 heures par semaine, les dépassements sont inclus dans leur forfait et ne font donc pas l’objet des majorations classiques.

Si l’employeur n’est pas obligé de rémunérer les heures supplémentaires effectuées de la propre initiative du salarié, en cas de conflit la preuve des heures de travail est allégée pour le salarié. Le juge pourra tenir compte de la charge de travail confiée. Sauf à ce que l’employeur ait formellement interdit au salarié d’accomplir ces heures, l’employé pourra démontrer qu’il n’a pas eu le choix de réaliser ces heures supplémentaires.

Demande d’indemnisation du salarié

Tentative de résolution du litige à l’amiable

Avant de réclamer le paiement de son salaire auprès du juge, le salarié doit rappeler l’employeur à ses obligations. Une manière de laisser une trace de cette formalisation est de le mettre en demeure via lettre recommandée avec accusé de réception.

Sans réaction favorable de la part de l’employeur, la prochaine étape pour le salarié qui souhaite être indemnisé est d’introduire une action en justice.

Saisie des juridictions prud’homales

Le salarié dispose d’un délai de 3 ans pour demander la condamnation de l’employeur au paiement de ses heures supplémentaires devant le Conseil de Prud’hommes, avec les majorations et indemnisations que cette situation d’irrégularité entraîne.

Le salarié devra produire un décompte des horaires et heures qu’il déclare avoir accompli à charge pour l’employeur d’établir les horaires du salarié au moyen d’un relevé d’horaire (badgeage, relevé signé…). Le juge forme alors sa conviction en fonction des pièces produites par les parties. Il pourra aussi s’appuyer sur les attestations produites confirmant le temps de travail ainsi que les mails, ou tout autre élément de preuve. 

Rappel de salaire et majoration des heures supplémentaires

Selon le Code du travail, des majorations s’appliquent pour les heures supplémentaires :

  • majoration de 25% pour les 8 premières heures ;
  • majoration de 50% pour chaque heure supplémentaire suivante.

Demande de dommages et intérêts

Lorsqu’un employé est privé de la juste déclaration de ses heures de travail, ses droits à l’allocation de chômage et aux indemnités journalières de sécurité sociale sont directement impactés. Outre le rappel de salaire, le salarié a donc la possibilité de demander des dommages et intérêts en guise de compensation de la perte causée.

Caractérisation du travail dissimulé : l’intention de dissimulation

La condamnation de l’employeur au paiement d’heures supplémentaires comme nous venons de le voir n’entraîne pas de fait sa condamnation pour travail dissimulé. Ce délit spécifique relève toujours de la volonté de l’employeur de dissimuler les heures de travail d’un employé. Seuls les juges du fond sont habilités à valider le caractère intentionnel de la situation en étudiant scrupuleusement les preuves apportées par chaque partie. La jurisprudence est très exigeante à ce sujet.

Preuve de l’élément intentionnel

La preuve que l’employeur a agit intentionnellement peut être difficile pour l’employé.

Voici quelques pistes pouvant aider à étayer la demande d’indemnité pour travail dissimulé selon la Cour de cassation :

  • s’appuyer sur les attestations de ses collègues confirmant le temps de travail journalier du salarié et la connaissance de l’employeur de la réalité des horaires ; 
  • démontrer que l’employeur ne pouvait pas ignorer la quantité des heures effectuées par un salarié, du fait de la petite taille de l’entreprise ou de la charge de travail confié au salarié par exemple ;
  • montrer la réception de messages en dehors des horaires prévus par le contrat de travail ;
  • dénoncer l’interdiction de mentionner le nombre d’heures réellement effectué
  • constater la nullité d’une convention de forfait ; 
  • montrer que l’existence d’heures supplémentaires a déjà été reconnue par l’employeur.

L’enjeu pour l’employé est de parvenir à convaincre les juges que l’employeur a volontairement inscrit un nombre d’heures inférieur à la réalité sur son bulletin de paie. Cette dissimulation intentionnelle ouvre droit au paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Conséquences du travail dissimulé reconnu

Rupture du contrat de travail

Le non paiement des heures supplémentaires constitue une faute grave de l’employeur. Pour cette raison et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, le salarié serait en droit de mettre fin au contrat de travail par la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail ou en demandant au juge la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Ces deux modes de rupture auront l’effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le salarié bénéficiera des indemnités liées.

Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

La rupture du contrat de travail déclenche l’obtention de l’indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Bien entendu, cette indemnité forfaitaire se cumule aux autres indemnités liées à la rupture du contrat de travail auxquelles le salarié a droit.

Sanctions pénales pour l’employeur

L’employeur est susceptible d’être poursuivi pour infraction de travail illégal, fiscale ou relative à la protection sociale. Il encourt 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.

Il risque aussi : 

  • l’interdiction d’exercer dans le cadre où l’infraction a été commise, définitivement ou temporairement ;
  • l’exclusion des marchés publics, définitivement ou temporairement ;
  • l’interdiction de droits civiques et civils ;
  • l’affichage et la publication de la décision prononcée par le tribunal.

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