La prime sur objectif

Il est fréquent que pour diverses fonctions commerciales, productives ou d’encadrement le contrat de travail du salarié comporte une clause de rémunération qui dépend de la réalisation d’objectifs.

Il ne doit pas s’agir de transférer indirectement au salarié concerné le risque d’exploitation de l’entreprise mais de motiver ce dernier afin d’encourager sa performance individuelle.

La clause pourra valablement prévoir que le salarié s’engage à atteindre, dans un délai déterminé, un résultat :

  • de conception, fabrication de produit 
  • d’exécution de telle ou telle mission 
  • de réalisation d’un chiffre d’affaires 

Les objectifs peuvent donc être qualitatifs, quantitatifs ou mixte.

En contrepartie de ces objectifs le contrat de travail prévoit le plus souvent, un droit au versement d’une prime d’objectifs sous la forme d’un montant fixe ou d’un variable. L’appréciation de leur réalisation ne peut dépendre de la seule volonté de l’employeur et de sa seule appréciation discrétionnaire.

Si le salarié atteint ses objectifs, il pourra alors prétendre au versement de ce complément de salaire et à défaut, l’employeur pourra ne pas s’en acquitter.

La non réalisation des objectifs peut également être à l’origine d’un licenciement pour insuffisance professionnelle. Mais le juge n’est jamais tenu par une clause du contrat de travail qui prévoit que la non-atteinte des objectifs constituerait un motif de licenciement. 

La juridiction saisie devra apprécier si l’insuffisance de résultats reprochée à un salarié constitue un motif réel et sérieux de licenciement en caractérisant unefaute volontaire du salarié ou sa négligence. La carence professionnelle du salarié devra reposer sur des faits précis, matériellement vérifiable et qui lui sont imputables. 

En revanche lorsque le salarié n’atteint pas ses objectifs mais que l’employeur lui verse néanmoins son complément de salaire pour l’encourager le variable devient dû :

Mais attendu, d’abord, qu’abstraction faite du motif critiqué par les deux premières branches, la cour d’appel, qui a relevé que l’employeur avait versé la prime contractuelle alors même que les objectifs sur lesquels elle était assise n’étaient pas atteints et qu’elle a servi à récompenser ou encourager le salarié, a ainsi fait ressortir qu’elle était devenue un élément constant de la rémunération contractuelle de l’intéressé sur lequel celui-ci était en droit de compter ; 

(Cass soc., 15 oct. 2014, P. no 13-14.246).

Le variable perd alors sa nature aléatoire pour devenir un droit acquis.

Comment peuvent être fixés les objectifs ?

Le contrat de travail peut prévoir les modalités de fixation des objectifs. Il peut définir les objectifs où prévoir que l’employeur aura la faculté de fixer des objectifs unilatéralement. 

Lorsque la fixation des objectifs figure dans le contrat de travail ou que les parties ont convenu de fixer ensemble les objectifs dans un acte séparé, l’employeur ne peut pas, unilatéralement, réviser chaque année les taux ou le calcul des commissions d’un salarié ou encore le montant de la prime d’objectifs.

Cela oblige l’employeur à avoir l’accord exprès du salarié pour les modifier. A défaut, la modification unilatérale des objectifs sans l’accord du salarié constitue un manquement grave à l’exécution du contrat qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail ou la prise d’acte de la rupture. Dans le même sens si l’employeur était amené à reprocher à un salarié le défaut d’accomplissement d’objectifs illégalement fixés, le licenciement serait inévitablement jugé sans cause réelle ni sérieuse (Cass. soc., 18 avril 2000, P no 97-43.743).

A l’inverse lorsque la fixation des objectifs est réservée par le contrat à l’employeur de manière unilatérale, ce dernier disposera du choix des objectifs, des critères d’application et des modalités de rémunération.  

Pour que la modification unilatérale de l’employeur soit admise, ce dernier devra cependant avoir préalablement précisé au salarié les objectifs, c’est-à-dire au moins en début d’exercice (Cass soc., 6 oct. 2016, no 15-15.672) :

…lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice 

Pour la jurisprudence, l’absence ou l’omission de révision des objectifs dans les modalités prévues au contrat de travail laisse aux juges le soin de déterminer le montant des sommes ou primes que l’employeur va devoir verser au salarié (Cass. soc., 14 avril 2016, P. no 14-13.305 ; Cass 15 mai 2019, 17-20.615). 

Mais faute de fixation des objectifs et des conditions de calcul vérifiables, le salarié pourra prétendre au paiement intégral de la part variable de son salaire.

En l’absence de fixation des objectifs, si la jurisprudence admet que la rémunération doive être payée intégralement. Elle considère aussi que cette carence peux justifier une demande de résiliation judiciaire ou une prise d’acte de rupture. L’appréciation de la gravité du manquement relève toutefois du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

La Cour de cassation ajoute qu’une clause d’objectif rédigée en anglais en violation de la Loi Toubon du 4 août 1994 est inopposable au salarié, de sorte que ce dernier peut prétendre à 100 % de son variable peu important ses réalisations (Cass. soc., 29 juin 2011, P. 09-67.492 – L 1321-6 du code du travail : tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français).

Le fait que l’entreprise soit multinationale ne constitue pas une exception recevable (Cass 3 mai 2018, P. 16-13.736). La maîtrise par le salarié de la langue dans laquelle sont rédigés les objectifs n’est pas non plus pris en considération (Cass. soc., 2 avril 2014, P n° 12-30.191).

Le code du travail autorise comme seules exception les documents reçus de l’étranger ou destinés à des salariés de nationalité étrangère.

Quelle est l’appréciation du juge sur la réalisation des objectifs du salarié ? 

Après avoir constaté l’existence d’une clause d’objectif opposable au salarié et dès lors que le contrat doit être exécuté de bonne foi, le juge doit apprécier le caractère réaliste (raisonnables et compatibles avec le marché) et réalisable (compte tenu des délais laissés au salarié pour les accomplir, de sa formation et des moyens nécessaires fournis par l’employeurs) des objectifs (Cass. soc., 6 octobre 2016, P no 15-15.672).

Comment pourrait-on admettre qu’un employeur puisse reprocher au salarié de n’avoir pas atteint des objectifs qui lui ont été fixés, si celui-ci ne disposait pas des compétences ou des moyens matériels nécessaires ?

Le juge vérifiera que l’évaluation mise en place pour apprécier la réalisation des objectifs à atteindre ne dépend pas de la seule volonté de l’employeur.

Cette prise en compte des critères d’évaluation discrétionnaire de l’employeur rendra inopposable la clause d’objectifs. 

Enfin, l’inexécution par le salarié des objectifs professionnels qui lui ont été assignés, doit lui être personnellement imputable c’est-à-dire liée à son insuffisance professionnelle personnelle et l’écart doit être suffisamment significatif.

Le droit au paiement de la prime au prorata 

Selon la Cour de cassation le salarié a droit à un variable contractuel même lorsqu’il quitte l’entreprise avant la fin de la période de référence.

La rémunération fixée en fonction du chiffre d’affaires annuel réalisé personnellement par un salarié qui quitte l’entreprise avant la fin de l’année civile, ne peut être supprimée. Le salarié peut prétendre à la contrepartie de son activité au prorata de son temps de présence (Cass. soc., 15 mars 2017 n° 15-19528).

Ainsi en cas de départ en cours d’année pour démission, licenciement ou rupture conventionnelle, l’employeur ne peut opposer au salarié une conditions de présence à la date de versement habituelle de la prime pour lui dénier son droit à rémunération variable. 

Pourtant force est de constater que bien souvent l’employeur profitera de la rupture du contrat pour refuser au salarié le versement de son variable.

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