Plutôt que de recourir au licenciement pour motif économique lorsque la situation le commande, certains employeurs n’hésitent pas à licencier leurs salariés pour un motif soi-disant personnel. Leur objectif est avant tout de chercher à s’extraire des règles contraignantes des licenciements économiques qui, bien souvent, relèvent d’une procédure plus longue et plus couteuse, notamment depuis l’entrée en vigueur des Ordonnances Macron du 22 septembre 2017. Bien qu’ancienne et relativement connue, cette pratique N’en demeure pas moins contraire aux dispositions légales du Code du travail. A ce titre, les juges veillent et sanctionnent, parfois lourdement, ces licenciements économiques déguisés.
Différences entre licenciement pour motif personnel et licenciement pour motif économique
Le Code du travail distingue deux types de licenciements :
- Le licenciement pour motif personnel : fondé sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement pour motif personnel est directement lié à la personne ou à l’attitude du salarié (faute, inaptitude, insuffisance professionnelle, mésentente, perte de confiance, etc.).
- Le licenciement pour motif économique : individuel ou collectif, le licenciement pour motif économique repose, quant à lui, sur un motif étranger à la personne du salarié. Il doit être motivé par des raisons économiques touchant l’entreprise (mutations technologiques, nécessité de se réorganiser pour tenter de rester compétitif, cessation d’activité, etc.).
Le poste d’une personne licenciée pour motif personnel est conservé alors qu’il est définitivement supprimé dans le cas d’un licenciement pour motif économique avec suppression de poste, ce qui entraîne la baisse des effectifs de l’entreprise.
Dans les deux cas, qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif personnel ou d’un licenciement pour motif économique, un certain nombre de règles liées à la procédure de licenciement doivent être respectées : ainsi, par exemple, l’employeur qui envisage le licenciement d’un seul salarié est tenu de le convoquer à un entretien préalable de licenciement (par courrier recommandé avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge). Cette convocation doit être remise au moins cinq jours ouvrables avant la date de l’entretien et doit préciser l’objet de l’entretien ; la date, l’heure et le lien de l’entretien ; la possibilité de se faire assister par la personne de son choix appartenant à l’entreprise ou, en l’absence de représentant du personnel, par un représentant extérieur.
Mais dans le cas d’un licenciement pour motif économique (dont nous détaillons la procédure dans cet article), l’employeur est enfermé dans un cadre encore plus contraignant. Il doit, dans un premier temps, tout mettre en œuvre pour éviter au salarié de perdre son emploi. A ce titre, il est tenu à une obligation de reclassement. En pratique, cela signifie qu’il doit proposer au salarié tous les postes disponibles dans l’entreprise (ou dans les autres entreprises du groupe situés sur le territoire national), de la même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure avec l’accord de l’intéressé. Si les compétences du salarié ne correspondent pas complètement à ce nouvel emploi, l’employeur a alors l’obligation d’assurer son adaptation. Il doit également l’informer de la possibilité de bénéficier, à certaines conditions, d’un contrat de sécurisation professionnelle ou d’un congé de reclassement financé par l’entreprise. Ce n’est qu’en cas de refus du salarié de ses propositions que l’employeur pourra procéder à son licenciement pour motif économique.
Par ailleurs, dans le cas d’un licenciement collectif pour motif économique, des règles particulières s’appliquent au regard de la taille de l’entreprise et du nombre de salariés concernés par la mesure et des conventions ou accord collectifs applicables : ordre des licenciements, consultation du comité social et économique (CSE), mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, etc.
En quoi consiste un licenciement économique déguisé ?
Un licenciement économique déguisé est un licenciement pour motif personnel qui dissimule en réalité un licenciement pour motif économique. Plutôt que de se plier au licenciement économique pour supprimer un poste par exemple, l’employeur préfère justifier le licenciement par un motif qui concerne le salarié.
De multiples raisons poussent les entreprises à avoir recours à ce procédé frauduleux. La première est qu’un licenciement économique est plus contraignant pour l’employeur. Il est en effet souvent plus long et plus compliqué à organiser et se complexifie encore si plusieurs licenciements sont envisagés. La deuxième est que, de manière générale, un licenciement économique coûte plus cher qu’un licenciement pour motif personnel, notamment depuis l’entrée en vigueur des Ordonnances Macron du 22 septembre 2017 qui plafonnent les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Enfin, il fait mauvaise presse à l’entreprise concernée en indiquant de façon notoire qu’elle rencontre des difficultés économiques.
Comment prouver un licenciement économique déguisé ?
Si le motif allégué dans la lettre de licenciement n’est pas le véritable motif de la rupture, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il appartient alors au juge saisi du litige de rechercher la véritable cause du licenciement, au-delà des termes de la lettre de licenciement. La Cour de cassation fournit de nombreuses illustrations de ce principe en matière de licenciement économique déguisé. Ainsi, par exemple, elle a considéré comme abusif le licenciement de 4 salariés motivés par une « attitude d’obstruction systématique », après que la Cour d’appel avait eu retenu que ce motif d’ordre personnel n’était pas caractérisé et que le licenciement était de nature économique (Cour de cassation, chambre sociale 14 avril 2021, pourvoi n° 19-19050)
Que risque l’employeur s’il a recours au licenciement économique déguisé ?
En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant de l’indemnité mise à la charge de l’employeur varie selon l’ancienneté du salarié et le nombre de salariés dans l’entreprise, conformément au tableau figurant à l’article L 1235-3 du Code du travail (application du barème dit « Macron »).
Toutefois, si le salarié est licencié pour motif personnel alors que le véritable motif de la rupture est de nature économique, il peut solliciter l’indemnisation de préjudices complémentaires. En effet, licenciement déguisé prive le salarié de dispositif d’indemnisation et d’accompagnement avantageux : contrat de sécurisation professionnelle, congé de reclassement, indemnités de licenciement majorée, etc.
A ce stade, le recours au service d’un avocat spécialiste en droit du travail est essentiel. Il saura faire valoir les droits du salarié afin d’obtenir l’indemnisation qui correspond à l’ensemble de ses préjudices.