Quand une entreprise rencontre des difficultés économiques, elle a la possibilité de proposer à ses salariés une modification de leur contrat de travail. Au cours de cette démarche, l’employeur se doit de suivre scrupuleusement les formalités définies par le Code du travail.
Modification du contrat de travail pour motif économique : quelle est la procédure à suivre ?
On ne parle de modification du contrat de travail que si les changements envisagés par l’employeur touchent aux éléments essentiels du contrat de travail (cf notre article dédié à l’avenant au contrat de travail).
Tel sera le cas, par exemple, si l’employeur entend modifier :
- La rémunération, tant dans son montant que dans son mode de calcul ;
- La durée du travail, s’il s’agit de passer d’un temps complet à un temps partiel (ou inversement) ou d’un d’horaire de jour à un horaire de nuit ;
- La fonction, si les nouvelles tâches envisagées remettant en cause la qualification du salarié, son niveau de responsabilité ou la nature même de son activité ;
- Le lieu de travail, si la mutation proposée entraîne un changement de secteur géographique (sous réserve d’une clause de mobilité ou si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent).
La modification du contrat de travail nécessite l’accord du salarié. En cela, l’employeur qui souhaite faire évoluer un des éléments essentiels du contrat de travail doit obligatoirement recueillir le consentement du salarié en lui faisant signer un avenant à son contrat de travail.
En revanche, si le changement consiste uniquement en une modification des conditions de travail, l’accord du salarié n’est pas nécessaire (sauf s’il s’agit d’un salarié protégé).
Tel est le cas, par exemple, si l’employeur entend imposer :
- Une modification du lieu de travail dès lors que le contrat de travail contient une clause de mobilité ;
- De nouvelles tâches, si elles correspondent à la qualification du salarié et qu’elles ne modifient pas son degré de subordination à la direction générale, ni sa rémunération (dans le respect de ces conditions, un salarié peut donc être affecté à un nouveau poste sans pouvoir le refuser) ;
- Une nouvelle répartition des horaires de travail dans la journée, dès lors que la durée du travail reste identique et que ce changement ne porte pas une atteinte excessive au droit à la vie privée et familiale.
Procédure de modification du contrat de travail pour motif économique
L’article L. 1222-6 du Code du travail définit avec précision la procédure que l’employeur se doit de suivre.
L’employeur qui souhaite modifier un ou plusieurs éléments essentiels du contrat de travail de ses salariés doit les en informer individuellement. Sa proposition de modification doit être claire et précise.
L’employeur est tenu d’adresser à chaque salarié concerné une proposition de modification de son contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception (ou par LR électronique répondant aux exigences posées par les articles L. 100 et R. 53-1 à R. 53-4 du code des postes et des communications électroniques, à condition que le salarié ait consenti à recevoir des envois recommandés électroniques)
L’employeur qui n’a pas respecté cette formalité ne peut se prévaloir ni d’un refus ni d’une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié (Cass. Soc. 28 septembre 2016 n°15-16.775).
La proposition faite par remise en mains propres ne respecte pas les formalités imposées par l’article L.1222-6 du Code du travail de sorte que l’employeur ne peut se prévaloir du refus de la modification par le salarié pour justifier le licenciement. Dès lors, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 25 septembre 2012 n°11-14550).
La 11e chambre de la Cour d’appel de Versailles a rappelé récemment ce principe dans une série d’arrêts rendus le 6 mai 2021 (RG 20/01288).
Le salarié bénéficie alors d’un délai de réflexion d’un mois (ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire) pour répondre et faire connaître, éventuellement, son refus. Passé ce délai, il sera réputé avoir accepté la modification et ne pourra plus exprimer son refus. Il sera donc, dans ce cas, tenu d’exécuter son contrat de travail conformément aux changements intervenus au risque de commettre une faute grave.
Que se passe-t-il en cas de refus de modification du contrat de travail ?
Le salarié est toujours en droit de refuser la modification d’un élément essentiel de son contrat de travail.
Il appartient ensuite à l’employeur de tirer les conséquences de la situation. Il peut :
- Renoncer à la modification et rétablir le salarié dans son emploi initial ;
- Engager une procédure de licenciement économique.
Attention : l’employeur n’est en aucune mesure en droit d’engager une procédure de licenciement avant la fin du délai de réflexion (même si le salarié a refusé la modification avant la fin de ce délai). Cet acte pourrait conduire le Conseil de prud’hommes à juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si une procédure de licenciement pour motif économique est engagée, la Cour de cassation rappelle que l’employeur est tenu à une obligation de reclassement. Il doit mener des recherches de solutions de reclassement et les soumettre au salarié (il peut tout à fait lui proposer le poste qu’il a précédemment refusé au titre de la modification de son contrat de travail pour motif économique).
Outre l’obligation de reclassement, l’employeur devra également se soumettre à l’ensemble des obligations légales liées à un licenciement économique (cf notre article sur le licenciement économique).
Enfin, lorsqu’au moins 10 salariés ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail proposée par leur employeur pour un motif économique et que leur licenciement est envisagé, dans une entreprise de plus de 50 salariés, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique (notamment l’obligation pour l’employeur d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi).